L’art comme rempart à l'exclusion
- JeanClaude Decalonne
- il y a 4 jours
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Dernière mise à jour : il y a 2 jours

Chaque année, le 9 avril marque une date importante et pourtant trop peu connue : la Journée internationale contre l’esclavage des enfants. Cette journée a pour objectif de sensibiliser le monde à un fléau qui, loin d’avoir disparu, prend encore de multiples visages dans les sociétés contemporaines. Du travail forcé aux mariages précoces, du recrutement d’enfants-soldats à l’exploitation domestique ou sexuelle, les formes d’esclavage moderne sont nombreuses et insidieuses.
Selon l’Organisation internationale du travail, plus de 160 millions d’enfants dans le monde seraient encore contraints au travail, dont des dizaines de millions dans des conditions particulièrement dangereuses et dégradantes. Derrière ces chiffres, ce sont des vies et des rêves brisés, des enfances volées.

Mais il existe des initiatives lumineuses, porteuses d’espoir, qui montrent que d'autres chemins sont possibles. L’une des plus inspirantes est celle du Maestro José Antonio Abreu, économiste, musicien et visionnaire, qui fonda en 1975 le plus merveilleux et efficace système d’éducation musicale gratuit et ouvert à tous, qui a permis à des centaines de milliers d’enfants issus des quartiers les plus défavorisés du Venezuela d’accéder à la dignité, à la beauté et à l’avenir par la musique.
Pour Abreu, “chaque enfant est un Prix Nobel potentiel“. Cette conviction puissante a guidé son action : offrir aux jeunes un cadre collectif, exigeant, fondé sur l’harmonie et l’écoute, pour leur permettre de se construire en dehors de la violence et de l’exclusion. Ce modèle d’éducation par l’art est bien plus qu’un programme culturel. C’est un véritable outil social, un acte de résistance contre toutes les formes d’exploitation. Il prouve que la culture, quand elle est accessible et partagée, peut devenir un bouclier pour les plus vulnérables.
Aujourd’hui, en France comme ailleurs, face à l’augmentation de l’insécurité, de la précarité, il devient urgent de repenser nos politiques de prévention et d’inclusion. Pourquoi ne pas s’inspirer d'un tel modèle pour imaginer, ici aussi, des projets collectifs fondés sur la musique, le théâtre, la danse ? Pourquoi ne pas offrir à chaque enfant, où qu’il vive, un espace pour rêver, créer, et trouver sa place dans le monde ?
Par la reconnaissance de chaque enfant comme une personne à part entière dotée d’un potentiel immense et d’un droit inaliénable à la connaissance, à la culture, à l'égalité d'accès aux arts et à la liberté, la lutte contre l’esclavage, à l'exploitation ou la précarité des enfants montrera à tous ses infaillibles résultats.
En France, une structure incarne avec une fidélité remarquable l’esprit du Maestro Abreu : TUTTI Passeurs d’Arts. Ce programme d’orchestres à vocation sociale œuvre dans certains territoires pour offrir aux enfants, quels que soient leur origine ou leur contexte de vie, un accès exigeant et bienveillant à la musique collective.
TUTTI, c’est la démonstration que chaque lieu, même le plus oublié, peut devenir le plus bel endroit de la Terre pour un enfant. Qu’un gymnase de quartier peut se transformer en salle de concert, qu’un violon ou une trompette peuvent devenir des passeports pour la confiance et que la beauté est un droit universel.
Un orchestre (ou un chœur), c’est bien plus qu’un groupe de musiciens : c’est un monde en miniature dans lequel tout s'apprend, tout se vit, il rassemble au lieu de diviser, il guérit bien des blessures.

L’orchestre est peut-être le plus bel outil social que nous ayons à notre disposition : il enseigne l’écoute, le respect, le vivre ensemble, la patience, l’entraide. Il peut sublimer une vie. Il peut transformer un quartier.
Chaque jour qui passe est perdu pour un grand nombre d'enfants et de jeunes. Alors, n’attendons pas une prochaine “journée internationale” pour agir. Faisons de chaque jour une occasion d’éveiller, de transmettre, de libérer.

Juste avant l'an 2000, ce livre “LES ENFANTS ESCLAVES“ de Martin Monestier m'avait inspiré l'écriture du livret d'une rage musicale, “Les enfants d'espérance“ dont la musique fut écrite par Marc Steckar. Rien n'a changé, hélas : la situation de ces enfants s'est encore agravée et elle ne changera pas tant que nos hauts responsables ne décideront pas qu'il faut en finir avec cette violence monstrueuse envers les enfants et les jeunes, et avec cet empêchement d'accès monstrueux à l'art et à la culture . Un instrument de musique dans les mains d'un enfant, c'est un fusil en moins pour demain. Éduquons au respect, au vivre ensemble, à la recherche de la beauté et à la paix. JeanClaude Decalonne
